Le vendredi 28 octobre dernier, le Président de la République Emmanuel MACRON a reçu les acteurs mobilisés cet été contre les feux de forêts. Retrouvez ci-dessous le compte-rendu de son allocution :
Le Président a commencé son intervention en rappelant le contexte des incendies ayant eu lieu cet été en Gironde, Jura, Landes ou encore en Bretagne. Il a rappelé la reconnaissance de l’Etat envers les pompiers, les personnels militaires de la société civile, les agents de l’ONF, et tous ceux qui sont intervenus dans la gestion de ces crises à répétition. Le Président a également salué l’engagement des forces de l’ordre. Emmanuel MACRON a également remercié les agriculteurs et les forestiers, qui se sont mobilisés “avec beaucoup de courage” et enfin les élus de tous les territoires sinistrés.
Au total, il rappelle que 72 000 hectares ont été incendiés, soit 6 fois plus que la moyenne des dix dernières années, et 50 départements ont été concernés, dont la plupart étaient très largement au-delà des limites de vigilance (par exemple en Bretagne). 3,3 millions de tonnes d’émissions de CO2 ont été relâchées dans l’atmosphère, soit 5% de nos émissions annuelles. Le Président a également rappelé que nous avions connu des effondrements de biodiversité dans tous les endroits touchés par le feu.
Toutefois, il a félicité les pompiers et tous les acteurs engagés, qui ont permis de “sauver des vies”. En les réunissant aujourd’hui pour les remercier, il a rappelé à ces mêmes acteurs que malgré le caractère exceptionnel de ces feux de forêts, les experts nous disent que nous risquons de connaître des incendies de ce type à intervalle régulier. Les saisons sont plus sèches et les feux plus intenses, disséminés mais aussi plus étendus dans le temps.
En ce sens, il a rappelé que nous sommes attaqués sur tous les fronts et qu’il nous faut nous adapter à cette transformation du risque.
Le budget de la sécurité civile a augmenté ces dernières années de 40%. Il a rappelé les investissements “considérables” qui ont été actés dont font partie :
- L’acquisition de 8 avions DASH ;
- L’augmentation de la prime de feu ;
- L’investissement dans de meilleurs équipements.
Mais Emmanuel MACRON a précisé vouloir aller plus loin et penser une nouvelle stratégie qui repose sur trois piliers :
- mieux prévenir les incendies ;
- lutter plus efficacement et renforcer les moyens de lutte contre les incendies ;
- reboiser et gérer durablement nos forêts.
Emmanuel MACRON a ajouté qu’il fallait mieux prévenir les incendies : 9 feux sur 10 sont d’origine humaine. Il a précisé que l’on pouvait donc s’organiser collectivement pour les éviter. La prévention suppose de mobiliser les propriétaires, les maires, les départements et les associations pour réactivier une politique de prévention de ce risque comme a pu le rappeler le Président.
“Nous avons des forêts qui sont très diverses et un émiettement de nos propriétaires, qui rend parfois difficile le travail” a-t-il ajouté, avant d’appeler à mobiliser ces mêmes propriétaires, les maires, les départements, l’ensemble des services de l’Etat.
Nous allons ainsi lancer dès le mois prochain une campagne de communication et de sensibilisation. Mais nous allons aussi augmenter les obligations légales de débroussaillement, nos règles actuelles étant trop complexes et enchevêtrées.
Il faut ensuite, selon le chef de l’Etat, faire en sorte que la puissance publique se substitue aux propriétaires défaillants lorsque c’est le cas et mettre en place un système d’amende pour responsabiliser les acteurs de la forêt. L’Etat doit aussi veiller aux débroussaillages à l’abord des lignes de train : “parce que certains feux sont partis de ces zones”.
Pour mieux prévenir des incendies, Emmanuel MACRON a précisé qu’allait être effectuer un inventaire des modèles de forêt et de leur entretien tout en tenant compte des spécificités locales de chaque territoire. Le Président a rappelé que certains de nos territoires avaient été plus touchés que d’autres : le sud-ouest, touchés plus souvent par ces feux, a su démontrer un modèle efficace. Il a rappelé la nécessité de bâtir une organisation nationale qui s’inspire des bons exemples.
1 – Cartographier les risques
Emmanuel MACRON a annoncé que l’Etat allait développer des cartographies précises des risques : une carte nationale recensera les zones les plus vulnérables ainsi qu’une météo de la forêt pour anticiper les départs de feux. Il a indiqué que seront mobilisés les acteurs de terrain avec l’ONF qui jouera son rôle de vigie de la forêt, de présence sur le terrain. L’ONF pourra venir en appui là où il y a des insuffisances, là où il y a des besoins d’ingénierie ou de soutien.
2 – Renforcer les moyens de lutte contre les incendies
Pour Emmanuel MACRON, il faut renforcer les moyens de lutte contre les incendies. Cela passe par un plan de soutien au volontariat dans les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Il faut allonger la durée durant laquelle les entreprises pourront libérer leurs pompiers volontaires, mieux indemniser les entreprises citoyennes. Ensuite, c’est la question des moyens matériels des SDIS dédiés à la détection et à la lutte contre les feux de forêts, qui doivent être renforcés. Les préfets de zone vont réaliser un inventaire des manques à combler, département par département. La loi MATRASS a mis en place des pactes capacitaires qu’Emmanuel MACRON appelle à renforcer à hauteur de 150 millions d’euros, aux côtés des collectivités dès 2023, et ce grâce au versement de la TVA des entreprises.
Le Président a précisé que nous allions nous réarmer très puissamment à cet égard, en capacités humaines et matérielles : “Ce réarmement passera par un doublement, dès la campagne 2023, du nombre de colonnes de renfort de sapeurs pompiers. Nous allons parvenir à cette cinquantaine de colonnes nouvelles par la revalorisation et la rénovation du barème d’indemnisation pour mobiliser davantage de volontaires sans générer d’absence préjudiciable après la saison”.
Il a rappelé que les unités militaires d’instruction et de formation de la sécurité civile étaient un maillon déterminant. Une nouvelle unité s’ajoutera aux 3 existantes d’ici 2024.
A côté de ces engagements, ce sont les moyens matériels de la protection civile qui doivent aussi être adaptés. Sur la question des canadairs, le Président a précisé que seule une commande massive permettrait de relancer la production. Nous en avons 12 aujourd’hui, et nous allons investir massivement pour que d’ici la fin du quinquennat leur nombre soit porté à 16 et tous remplacés. Deux de ces canadairs remplacés le seront grâce au mécanisme du fonds européen RESCUE.
Emmanuel MACRON a aussi précisé que le Gouvernement allait procéder à une revue européenne pour avoir une vraie stratégie industrielle et réouvrir une chaîne d’excellence en la matière. Quant aux DASH, “nous continuons à renforcer cette filière” a-t-il précisé.
Sur les hélicoptères lourds, dès l’année prochaine, la France louera 10 hélicoptères contre 2 en début de saison l’an dernier : “Nous allons également en acquérir 2 pour qu’ils s’intègrent durablement à la flotte nationale, tout comme des avions de grande taille comme l’A400M. Nous devons aller vite sur les campagnes de test. Nous devons aussi aller sur l’expérimentation de matériel innovant : drônes autonomes, système de détection par imagerie satellite, signalement de feux en temps réel avec l’IA”.
Enfin, avec une collaboration étroite entre les forces armées et la protection civile, le protocole Héphaïstos qui assure la fourniture d’hélicoptères de transport et de moyens de terrassement pourra être élargi de façon permanente dans la région sud-ouest voire au-delà en fonction des besoins. Ces mesures représentent un investissement de 250 millions d’euros.
“Il nous faut sans doute durant les saisons de feux, grâce à la cartographie météo qui sera mise en place, travailler à plus de souplesse et réfléchir à un système de pré positionnement de certaines capacités sur des jours/semaines en cas de pré-alerte et de zones de défense connaissant des épisodes de très grande sécheresse et de vent. Notre suivi doit être plus fin aux fils des saisons. Je souhaite que cette stratégie et ces protocoles soient mis en œuvre dès le début de l’année 2023 pour être prêts pour la prochaine saison de feux” a ajouté Emmanuel MACRON.
Sur ces deux volets – prévention et meilleure mobilisation de nos capacités – Emmanuel MACRON a dit souhaiter avancer plus vite. Il a confié la conduite de ces travaux à Hubert FALCO, maire de Toulon. Hubert FALCO travaillera sur tous les champs, de la prévention à la réponse en passant par les différents risques de sécurité civile, en mobilisant tous les acteurs du terrain. Il a appelé à ce qu’un pré-rapport puisse être réalisé d’ici au début de l’année prochaine, donnant lieu à des expérimentations rapides et un suivi dans la durée.
3 – Reboiser et gérer durablement nos forêts
Le dernier axe, sur la gestion durable des forêts, induit une planification écologique de nos reforestations. “Notre cap est de replanter 1 milliard d’arbres en 10 ans, soit un renouvellement de 10% de nos forêts” a précisé le chef de l’Etat.
Il a rappelé un de ses engagements de campagne, qui était de replanter 140 millions d’arbres pendant le mandat, en fonction des dispositifs de financement à notre portée: “mais si nous nous y prenons bien, et que nous mobilisons les collectivités publiques et les propriétaires privés, ce que nous devons faire c’est cet objectif d’un milliard d’arbres à la fin de la décennie”.
“Il y aura des dispositifs de financement publics mais il doit y avoir une large mobilisation des acteurs privés sur ce sujet, avec une méthode : que nous travaillions tous ensemble avec les professionnels, les collectivités, les opérateurs comme l’ONF et le conservatoire du littoral, mais aussi avec les jeunes pour réussir ce chantier écologique et d’aménagement de notre territoire” a ajouté le Président de la République..
“Quand on parle de valoriser la forêt, on parle aussi de son aspect économique : entretien, coupe et transformation du bois. Nous avons l’une des plus grandes forêts d’Europe mais nous importons massivement notre bois”. La filière de valorisation du bois est trop émiettée et sous capitalisée, selon Emmanuel MACRON : “Il faut réinvestir et rebâtir notre filière pour qu’elle soit plus compétitive face aux filières étrangères”.
Le Président a rappelé que la forêt était menacée par le changement climatique et qu’elle était essentielle pour notre climat : captation de 10% des émissions de CO2 ainsi que pour notre souveraineté énergétique (bois énergie, chauffage) et de transformation.
A court terme, Emmanuel MACRON, a annoncé vouloir réparer et replanter via un dispositif de soutien à la reconstitution des forêts incendiées qui sera intégré au mécanisme de renouvellement forestier France 2030, conçu suite aux Assises de la forêt et du bois. Dès fin 2023/début 2024, il a ajouté que sera organisé ce travail de replantation, ainsi que le lancement d’un dispositif de financement stable reposant sur la finance carbone et la mobilisation publique/privée notamment par la contribution des compagnies aériennes.
“Nous n’allons pas replanter à l’identique, il faut adapter nos forêts par davantage de diversification et une gestion durable”. A moyen terme, le Président estime que nous devons parvenir à des forêts plus résilientes, plus fortes. C’est pourquoi notre territoire va devoir voir se massifier le nombre d’hectares soumis à un plan de gestion durable.
Le Président a enfin indiqué vouloir procéder à un chantier de reprise en main des biens vacants et sans maîtres et des hectares forestiers des communes non gérés. Selon lui, il faut sortir du morcellement des terres qui conduit à une dilution des responsabilités. Il a précisé qu’il croyait profondément à ce qu’une remise en gestion d’une partie de la forêt est nécessaire pour mieux lutter contre les incendies et renforcer nos capacités d’absorption carbone.